[EL] Un des moyens les plus puissants d’apprendre et de mémoriser ce que vous étudiez : la répétition espacée

Ça fait quelque temps que je vous parle de répétition espacée, de MosaLingua et d’autres applications qui permettent d’apprendre et de mémoriser plus facilement et plus efficacement. Il est temps que je vous fasse un article complet à ce sujet. La répétition espacée est certainement un des moyens les plus efficaces pour apprendre n’importe quelle notion et de la retenir durablement, voire même indéfiniment. Voilà quelque chose qui devrait intéresser plus d’un étudiant. Malheureusement, cette technique n’est jamais abordée en cours, à l’école ou à l’université (en tout cas pas que je sache) et ceci manque énormément pour pouvoir élaborer une stratégie d’apprentissage efficace. Tout ce qu’on nous dit, c’est qu’il est important de travailler régulièrement, de travailler le soir même tous les cours de la journée, etc. Alors d’une, tout le monde ne respecte pas ces recommandations et de deux, même si elles étaient toujours respectées, elles ne permettraient pas un apprentissage vraiment optimal. Vous allez comprendre pourquoi tout au long de cet article.

​Le principe de base de la répétition espacée est en premier lieu d’apprendre et de mémoriser des notions, puis de faire des révisions de plus en plus espacées dans le temps sur chacune de ces notions. L’apprentissage, via ce système, est certainement la manière la plus 20/80 que je connaisse pour apprendre une notion et la retenir dans le temps. Concentrez-vous uniquement sur cette méthode de travail et vos résultats exploseront littéralement. Couplez-la intelligemment avec d’autres méthodes que je vous présente sur ce blog et vous atteindrez presque la perfection.

​Il y a deux manières différentes de l’implémenter : à l’aide de cartes mémoires (flash cards en anglais) au format papier, ou via une application et des programmes informatiques. Nous allons bien sûr voir les deux manières de faire dans cet article. Mais avant ça, il est nécessaire de faire un peu d’histoire pour bien comprendre comment et pourquoi le système de répétition espacée fonctionne.

​Historique de la répétion espacée

​Tout repose sur des recherches et des découvertes faites sur la mémoire et son fonctionnement. La notion de répétition espacée nous provient de la compréhension d’un phénomène agissant sur la mémoire : le cerveau fait de meilleures connexions et retient beaucoup plus facilement ce qu’il apprend lorsque l’apprentissage est espacé dans le temps. Vous allez me dire que c’est logique. Certes, mais réfléchissez à la manière dont vous travaillez. Mettez-vous en place des répétitions pour apprendre quelque chose ou apprenez-vous une notion une seule fois sans jamais y revenir dessus ? Je suis prêt à parier que la plupart d’entre vous sont dans la deuxième catégorie.

​Voici ce qu’a dit Pierce Howard dans « The Owner’s Manual for the Brain«  : (en anglais toujours, c’est bon de le travailler) : 

« Work involving higher mental functions, such as analysis and synthesis, needs to be spaced out in order to allow new neural connexions to solidify. New learning drives out old learning when insufficient time intervenes. »

​Ma traduction : Un travail demandant des fonctions mentales élevées, comme l’analyse et la synthèse, a besoin d’être espacé dans le temps pour permettre la solidification de nouvelles connexions cérébrales. Un nouvel apprentissage submerge les anciens lorsqu’une période de temps insuffisante intervient entre les deux.

​Ce qu’il faut bien retenir, c’est qu’un apprentissage sans répétitions est totalement inefficace s’il est suivi d’autres sessions d’apprentissages. Mauvaise nouvelle pour les étudiants. Cet effet est connu depuis déjà pas mal de temps. Dès la fin du 18ème siècle, le psychologue Hermann Ebbinghaus (le bonhomme sur la photo) a fait pas mal de recherches sur le sujet et a mis au point la courbe de l’oubli. Photo ci-dessous. Et celle-ci montre très clairement que l’on oublie très rapidement une information !

« With any considerable number of repetitions, a suitable distribution of them over a space of time is decidedly more advantageous than the massing of them at a single time. » 

Hermann Ebbinghaus

C’est pourquoi de nombreuses autres études se sont emparées des travaux d’Ebbinghaus pour mettre au point un système qui serait capable de contrer ce phénomène d’oubli. Voilà comment est né le système de répétition espacée. Il s’agit simplement de placer des révisions espacées intelligemment dans le temps tout au long de son processus d’apprentissage. D’abord, on mémorise une information et lorsque le taux de restitution de cette information risque de passer en dessous de 90%, il est alors nécessaire de faire une première révision. Celle-ci affecte la courbe de l’oubli de telle sorte qu’elle est moins prononcée et donc que l’information est oubliée moins rapidement, ce qui nous permet de faire la seconde révision plus tard dans le temps. Et de même pour la troisième, quatrième, etc., jusqu’à ce qu’il n’y ait même plus besoin de réviser : la notion est dans votre mémoire à long terme. Aidez-vous du graphique ci-dessous si vous avez du mal à comprendre. 

Et c’est aussi simple que ça ! Apprenez, puis révisez le lendemain, dans trois jours, dans une semaine, un mois, trois mois, un an, etc. Enfin c’est l’idée générale, nous allons voir qu’il est possible d’être bien plus précis.​

​Pourquoi ce système de répétition espacée fonctionne-t-il ?

​Parce que ce système s’attaque à la partie la plus importante du processus d’apprentissage : l’oubli. Voilà pourquoi il est tellement 20/80, le problème est vraiment pris à sa racine. On cherche à optimiser ce qui apportera le plus de résultats, pas les détails. Et il se trouve que cette optimisation n’est vraiment pas compliquée à faire.

​Il faut bien comprendre que plus on oublie une information (autrement dit, plus il est difficile de la retransmettre), plus l’apprentissage sera efficace. Et ce simple principe fait toute la puissance du système de répétition espacée. Illustrons encore ceci par une citation du livre How we learn de Benedict Carey :

​ »Some ‘breakdown’ must occur for us to strengthen learning when we revisit the material. Without a little forgetting, you get no benefit from further study. It is what allows learning to build, like an exercised muscle. »

​Autrement dit, plus il est difficile de se souvenir d’une information préalablement apprise, plus la révision sera efficace et donc plus l’apprentissage sera optimisé. Un autre avantage considérable (nous l’avons vu en introduction), c’est que, comme le système de répétition espacée s’attaque à la base du problème, il est possible de l’implémenter avec n’importe quelle autre méthode d’apprentissage. Tout ce qu’il suffit de faire est de modifier le temps entre chaque révision. Prenons un exemple avec la technique du palais de mémoire. Si vous ne savez pas en quoi cette méthode consiste, je vous conseille de lire cet article. Tout ce que vous avez à faire est d’espacer stratégiquement dans le temps des visites (révision) de votre palais de mémoire pour vous remémorer tout ce que vous y avez placé. 

​Les cartes mémoires papier

​Une des méthodes d’apprentissage la plus souvent associée au système de répétition espacée sont les cartes mémoires. Elles permettent en effet de tirer le meilleur parti de ce système grâce aux révisions actives, au principe de Pareto et à la métacognition. Nous verrons leur fonctionnement en détails dans un prochain article. En attendant voici un court résumé. L’idée est tout simplement de prendre une petite feuille de papier et d’y inscrire au recto une question ou un élément permettant de vous faire deviner ce que vous souhaitez apprendre. La réponse est au verso. Ainsi lorsque vous apprenez, vous devez retrouver l’information du verso à l’aide du recto. C’est aussi simple que ça. Il est préférable de ne mettre qu’une seule information par carte mémoire, sinon l’efficacité serait perdue. 

​Vous aurez compris que notre but est de réviser une carte mémoire seulement lorsque ceci est nécessaire. Malheureusement, il est compliqué de déterminer ce moment-là, mais il est tout de même possible d’en faire une approximation. À cet effet, je vous conseille d’utiliser un système de « boîtes » dans lesquelles vous rangerez vos cartes mémoires. Organisez-les comme suit :

  • Dans la première boite, vous allez mettre toutes les cartes à réviser tous les jours.
  • Dans la deuxième, toutes les cartes à réviser tous les deux jours.
  • Dans la troisième, toutes les cartes à réviser une fois par semaine (le lundi par exemple).
  • Dans la quatrième, toutes les cartes à réviser toutes les deux semaines.
  • Dans la cinquième, toutes les cartes à réviser tous les mois.
  • Et dans la sixième, toutes les cartes à réviser avant un examen.

Toutes les notions que vous apprenez via des cartes mémoires se retrouvent donc initialement dans la première boîte. Ensuite, lors de vos révisions si vous répondez juste à une carte, faite la passer à la boîte suivante. Si vous répondez faux replacez-la dans la première et recommencez le processus. 

​Beaucoup de personnes repoussent ce système de carte mémoire parce qu’il semble trop … enfantin. Honnêtement, peu m’importe qu’il soit enfantin ou non à partir du moment où il est efficace et qu’il fonctionne réellement sur moi. Si vous faites partie des bons sceptiques, et que vous essayez ce système, vous en tirez deux grands bénéfices :

  1. ​Un apprentissage optimisé grâce à la répétition espacée
  2. ​Un apprentissage plus efficace parce que vous consacrerez plus de temps aux cartes qui vous posent problème (plutôt que de perdre du temps à réviser tout ce que vous connaissez déjà).

​Toutefois, ce système papier a quelques inconvénients. Il est assez fastidieux à mettre en place : vous risqueriez assez facilement d’arriver à plus de 1000 cartes mémoires (je vous souhaite bonne chance pour toutes les gérer) et le système de répétition espacée n’est pas utilisé de manière optimale (les espacements entre les révisons sont très arbitraires). C’est pourquoi il est peut-être plus intéressant d’utiliser des outils numériques.

​Applications et programmes pour tirer le meilleur parti de la répétition espacée

Anki. C’est presque tout ce qu’il y aurait à dire. Anki est l’application la plus connue, la plus utilisée dans le domaine de la répétition espacée et présente de nombreux avantages :

  • ​Une grosse communauté.
  • Une application très personnalisable.
  • Disponible sur mobile, tablette et ordinateur.
  • Entièrement gratuite (sauf pour les Iphones où il faudra débourser 25€, mais l’application web peut être une alternative).
  • L’application est facile d’utilisation.
  • Vous avez la possibilité d’ajouter de nombreux médias aux cartes mémoires, comme des images (pour faciliter la mémorisation).
  • Et surtout il est possible de télécharger gratuitement des jeux de cartes fait par la communauté dans à peu près tous les domaines que vous pouvez imaginer (langues, mathématiques, biologie, chimie, géographie, etc.).

​Bref, vous l’aurez compris, il n’y a aucune de raison de ne pas utiliser Anki. L’avantage ultime de genre d’application est de pouvoir s’autoévaluer pendant l’apprentissage. La métacognition en somme ou le fait de penser et de réfléchir à ses propres jugements et décisions. Dans notre cas, cela se traduit par la réflexion que l’on porte sur la difficulté éprouvée à restituer l’information. Lorsque vous retournez une carte mémoire, l’application vous demandera s’il était difficile ou non pour vous de trouver la réponse. Le programme établira lui-même une série de révisions en fonction de votre réponse. Cette série évolue tout au long de votre apprentissage. Tout ce que vous avez à faire est d’apprendre via vos cartes mémoires et faire les révisions que vous propose l’application. Le programme s’occupe du reste.

​Alors bien sûr, il existe d’autres applications. Si vous souhaitez apprendre une langue, je vous recommande vivement l’application MosaLingua. Elle n’est pas gratuite, il faudra débourser 5€ pour l’application mobile (une application par langue), mais je vous assure que votre argent sera bien investi ! Cette application est d’une puissance incomparable. Les cartes sont préenregistrées, ce qui veut dire que vous n’avez pas à les créer. Elles sont optimisées au maximum pour vous faire apprendre de la manière la plus 20/80 possible. C’est-à-dire qu’elles se concentrent sur le vocabulaire et sur les expressions qui vous permettront d’obtenir un bon niveau en un minimum de temps. Tout ce que je peux vous dire, c’est que ça marche du tonnerre.

​Si ces deux applications ne vous conviennent toujours pas, voici une petite liste d’applications alternatives qui pourrait vous être utile :

​Conclusion

​Je vous ai présenté bien des techniques sur ce blog, bien des méthodes pour étudier, apprendre, mémoriser, retenir et tout ça de la manière la plus efficace possible. Un seul principe régit toutes ces méthodes : le principe de Pareto (la loi des 20/80). Toutes les méthodes dont je vous parle reposent sur ce principe. C’est dire s’il est important. Mais parmi toutes ces méthodes, je pense qu’il y en a vraiment une plus importante que les autres, plus générale : celle que vous venez de voir, le système de répétition espacée. Vous pouvez utiliser bien des méthodes, si vous n’intégrez pas ce système, il y a de forte chance pour que votre apprentissage ne soit pas optimal. Prenez en compte la puissance de ce système, sa simplicité d’implémentation, son caractère universel à toutes autres méthodes et vous ne trouverez aucune excuse pour ne pas le mettre en pratique. Il suffit peut-être de chambouler certaines de vos habitudes, mais rien de bien grave je vous rassure.

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