Pour bien commencer, laissez-moi vous raconter deux petites histoires.
2005, plateau du Guinness World Records. Après 13 heures d’effort intense, Akira Haraguchi vient tout juste d’énumérer plus des 54 000 premières décimales de Pi, sans aucune aide extérieure. Seule sa mémoire a fait le travail. Malheureusement, sa performance ne sera pas prise en compte, car l’exploit n’a pas été réalisé dans le temps imparti. Toutefois, un an plus tard, en 2006, il réitère son record en récitant publiquement, pendant 16 heures d’affilée, plus de 100 000 décimales de Pi ; le record du monde non officiel, mais bien réel.
Ron White est un soldat américain. Il fut déployé à plusieurs reprises en Afghanistan lors des conflits entre ce pays et les États-Unis. Il s’avère également qu’il est doublement champion de mémorisation dans son pays. Pour rendre hommage à tous ses frères d’armes tombés au combat, il a décidé d’apprendre et de retenir l’intégralité de leurs noms, prénoms, et régiments militaires. Totalisant plus de 2 300 personnes et plus de 7 000 mots, il lui fallut 10 mois pour les mémoriser. Aujourd’hui, il voyage régulièrement dans les États-Unis pour écrire ces noms sur des monuments prévus à cet effet. Il est capable de tous les réciter et de tous les écrire, moyennant 10 heures de travail.
Que ce soit pour Akira ou pour Ron, aucun de ces exploits n’aurait été possible sans une stratégie de mémorisation bien précise. Certes, certaines personnes sont plus à même d’avoir des facilités à mémoriser un grand nombre d’informations, mais sans structure et technique particulière, elles sont toutes aussi incapables que nous en matière de mémorisation.
Si vous êtes comme moi, vous ne voyez certainement aucun intérêt à apprendre toutes les décimales de Pi (impossible) ou de retenir une longue liste de prénoms. Je comprends parfaitement leur souhait de le faire et que cette volonté puisse s’inscrire dans une quête personnelle, mais dans notre cas, seules les techniques utilisées nous intéressent.
Nous allons donc voir ici 2 de ces techniques majeures, sans pour autant rentrer dans les détails, car celles-ci sont plutôt complexes et nécessitera un article entier chacune pour bien les expliquer en profondeur.
Avant de plonger dans le vif du sujet, je voulais vous prévenir : la mémorisation ça fait pas rêver. À part peut-être Akira et Ron, peu de personnes sont enthousiastes à l’idée de devoir mémoriser des noms, des dates, des formules, des théorèmes, etc., parce qu’on trouve ça long, chiant et compliqué. Les techniques que je vais vous présenter vous permettent de vous faciliter la tâche et d’obtenir de meilleurs résultats, mais à une condition : de les appliquer. Vous verrez, pour la plupart, elles sont assez contre-intuitives et on peut rapidement se questionner sur leur pertinence. Dites-vous simplement qu’elles permettent à certaines personnes de faire des exploits hors du commun et si vous n’êtes toujours pas convaincu, et bien testez-les, et jugez par vous-même.
La mnémotechnique
Vous connaissez tous le « Mais où est donc Ornicar ? ». Cette phrase est la base en terme de mnémotechnique. Tout le monde l’a déjà apprise au moins une fois dans sa vie et sait parfaitement bien à quoi elle réfère : les conjonctions de coordination ! Comme quoi la mnémotechnique est réellement puissante. Vous vous souvenez de quelque chose que vous avez apprise en primaire, alors que si je vous demandais quelles sont les conjonctions de subordination … pas de réponses !
La mnémotechnique est tout simplement une manière d’arranger une information de telle sorte qu’elle soit plus facile à retrouver. Et la bonne nouvelle, comme nous l’avons vu dans notre introduction, c’est qu’il existe des méthodes connues depuis l’Antiquité (et oubliées par nos profs d’aujourd’hui) qui nous permettent de retrouver très facilement toutes sortes d’informations et pas seulement des conjonctions de coordination.
Savez-vous que notre cerveau reconnaît beaucoup plus facilement les images, plutôt que les mots, les nombres, les concepts abstraits, ou tout autre chose. Et si nous en tirions parti pour apprendre n’importe quoi, ne serait-ce pas magnifique ?
Si je vous dis Mouton, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ? L’image d’un mouton n’est-ce pas ?
Si vous utilisez déjà l’application MosaLingua pour apprendre une langue, vous vous demandez certainement pourquoi est-ce qu’il y a des images simples à l’écran lorsque vous apprenez un mot. Par exemple l’image d’un chien pour le mot « dog ». Je sais ce qu’est un chien, je ne suis pas stupide ! Non non, vous n’êtes pas stupide ! Maintenant, vous savez à quoi sert cette image : elle sert à aider votre cerveau à associer l’image du chien au mot « dog », pour qu’il soit bien plus facile pour lui à le mémoriser.
Bref, assez parlé, entrons dans le vif du sujet.
Les fondamentaux des moyens mnémotechniques
Des histoires pour mieux retenir
Pour bien comprendre, nous allons essayer de mémoriser en direct la suite de mots que je vous ai concocté ci-dessous.
Caravane ; Construction ; Antarctique ; Tueur ; Saphir ; Trou noir ; Coupable ; Physique ; Toux ; Prénom ; Puits.
Le but va être de mémoriser tous ces mots en 2 minutes seulement. Mais attention, nous n’allons pas nous y prendre n’importe comment, sinon vous risqueriez de vous mélanger les pinceaux et de ne finalement rien retenir du tout. Non, le but est de fonctionner par image. Nous allons donc construire une histoire qui met en relation tous ces mots. Cette histoire n’a pas besoin d’être réaliste, possible ou logique. Au contraire, des liens imaginaires seront plus forts que des liens habituels, et votre cerveau les retiendra plus facilement.
Si vous avez 2 minutes, faites vraiment cet exercice, vous verrez à quel point il peut être puissant. Ok. Allons-y. Que dites-vous de cette phrase ?
Une caravane en construction pour un voyage en Antarctique rencontre un tueur volant un saphir dans un trou noir, coupable d’un dérèglement de la physique, et pris d’une grosse toux, il oublia son prénom dans un puits !
Prenez une minute de répit, puis essayer de dicter la liste de mots à haute voix pour voir si vous vous en souvenez. Essayez même de vous en rappeler demain matin, si vous vous êtes réellement pris au jeu, vous risqueriez d’être surpris.
Cette méthode reposant sur l’association d’idées et extrêmement facile à mettre en place, a été développée dès l’Antiquité. Notre cerveau retient particulièrement bien les éléments visuels et les histoires et en particulier celles que nous créons nous-même.
Si vous trouvez cette méthode un peu trop simple et basique et que vous ne voyez pas comment vous allez pouvoir apprendre autre chose avec, détrompez-vous. Elle permet de retenir bien plus que de simples suites de mots.
- Certains l’utilisent pour apprendre des textes entiers, avec éventuellement certains passages par cœur.
- Apprendre un cours d’histoire, des événements, des dates, des personnages, etc.
- Le plan général d’une présentation orale dans laquelle vous n’aurez le droit à aucun document.
- Les grandes idées à retenir d’un long cours de droit du travail et des contrats (par exemple).
- Connaitre le fils conducteur d’une de vos réunions, conférences, ou tous autres choses.
- Les possibilités sont presque infinies, il suffit d’avoir un peu d’imagination et de créativité, et le tour est joué.
Lorsque vous voulez retenir un plan en général, pour un commentaire, une dissertation, une présentation orale,…, ne choisissez de retenir que les mots-clés principaux de chaque grande notion. Puis à vous de créer une histoire autour de ces mots-clés. Au moment de restituer l’information, il vous suffira de vous remémorer rapidement votre histoire et l’intégralité du plan reviendra rapidement. Puis si vous avez fait un travail de fond sur tout le contenu de ces différentes parties de plan (c’est-à-dire un travail régulier, en mettant en pratique de nombreuses techniques que je vous présente sur ce blog), alors les informations vous reviendront assez aisément à l’esprit.
Cette méthode est particulièrement 20/80. Le but est de passer le moins de temps possible à mémoriser quelque chose (ce qui, avouons-le, n’est vraiment pas passionnant), mais avec une efficacité telle que l’on retient les informations bien mieux que si on passait plus de temps sans structure d’apprentissage particulière. Alors essayez cette méthode avant de vous dire qu’elle n’est pas faite pour vous, analysez vos résultats et comparez-les à ce que vous étiez capable de faire avant, puis choisissez de garder cette bonne habitude ou non.
Des lieux pour mieux mémoriser
La technique des images et histoires est assez facile à comprendre et à mettre en place. La technique des lieux l’est un peu moins parce que plus abstraite, contre intuitive et peut-être même aberrante pour certains. Toutefois, elle fonctionne à merveille à partir du moment où on a compris sa puissance. Et c’est une des méthodes que Ron a utilisé pour retenir plus de 7 000 mots. C’est pourquoi je vais vous faire ici une rapide initiation à cette technique (mais la plus complète, précise et compréhensible possible).
Une fois de plus, voilà quelque chose qui a fait fureur pendant bien longtemps (plus de 2 000 ans, quelque chose comme ça) et qui, pourtant, est aujourd’hui bien oublié par nos professeurs.
À l’image de la méthode précédente, vous allez pouvoir l’utiliser pour retenir une liste de mots.
L’idée est de se former une image mentale d’un lieu que l’on connaît particulièrement bien. Votre maison par exemple ou votre ancien lycée. Il est important qu’il y ait plusieurs pièces ou plusieurs régions bien distinctes dans ce lieu. Vous pouvez aussi utiliser un lieu extérieur ou même un lieu complètement imaginaire. Considérez ce lieu comme votre « palais de mémoire ». Dans tous les cas, il faut que vous soyez capable de visualiser tous les objets caractéristiques de ce lieu : meubles, décoration, objets, bibelots, végétation, lingerie, couleurs, textures, etc. Cette visualisation ne devrait pas vous demander d’efforts car le lieu que vous avez choisi est un lieu que vous connaissez bien.
Comment utiliser un palais de mémoire ?
Reprenons notre liste de mots : Caravane ; Construction ; Antarctique ; Tueur ; Saphir ; Trou noir ; Coupable ; Physique ; Toux ; Prénom ; Puits.
Lors de la mémorisation, vous allez disposer tous ces éléments dans votre palais de mémoire, dans un endroit bien distinct, facile à identifier. Lorsque vous avez épuisé tous les endroits distincts d’une pièce, passez dans la suivante.
Ok, vous allez me dire qu’il n’est pas facile de mettre l’Antarctique dans sa maison !
Je vous l’accorde. Cette méthode fonctionne particulièrement bien pour des petits objets tels qu’une pomme, une tasse, des lunettes, une montre, etc. Mais elle fonctionne également pour des notions abstraites. Et c’est là que ça se complique un peu. Le but, dans ce cas de figure, est de placer des objets ou des symboles liés à ces notions abstraites. Par exemple, un manchot ou un iceberg pour l’Antarctique, un chien baissant la tête à son maître pour « coupable », ou un chronomètre bloqué sur 2 minutes pour mémoriser « 2 minutes ». Faites marcher votre créativité, il faut que ces objets et symboles sortent de votre imagination pour que votre cerveau fasse un lien direct entre le manchot et l’Antarctique, ou le chien et « coupable », etc.
Il est recommandé d’utiliser des images fortes et décalées. Votre cerveau se souvient beaucoup plus facilement de ce qui sort de l’ordinaire. À l’inverse, tout ce qui est banal est rapidement oublié. Si vous devez vous souvenir d’une montre, placez-la dans l’évier plutôt que sur votre table de nuit.
Pour pousser le concept encore plus loin, vous pouvez utiliser plusieurs palais de mémoire. Un par matière par exemple. Et un autre dans lequel vous placez les noms des gens que vous rencontrez en soirée. Vous savez tous comme il est embarrassant de croiser quelqu’un avec qui nous avons partagé toute une soirée, mais ne pas être capable de se rappeler de son nom !
Une fois de plus, si cette méthode vous fait peur, d’abord… je vous comprends ! Mais, malgré tout, essayez-la ! Dites-vous que si votre cerveau oublie rapidement une notion que vous avez apprise, les lieux et les images, quant à eux, ne disparaissent pas aussi facilement.
Conclusion – moyen mnémotechnique
Bravo si vous en êtes arrivé jusque-là. Les notions que je viens de partager avec vous ne sont pas évidentes à comprendre et pas forcément passionnantes mais pourtant tellement utiles dans plein de domaines de notre vie. Dites-vous que ce n’est qu’une initiation à l’art de la mnémotechnique. Il existe encore plein d’autres méthodes. Mais ces deux-là, à savoir la mémorisation par l’image et les lieux, sont les deux les plus puissantes qui puissent exister. Je vous invite donc tous à les mettre en œuvre le plus rapidement possible. Vous verrez rapidement à quel point elles sont efficaces.
Et sachez qu’il est encore possible d’aller plus loin ! Couplez ces méthodes de mnémotechnique à une méthode de répétition espacée et là, vous obtenez le saint Graal de la mémorisation 20/80 !