[EL] Besoin d’ailleurs : rapide introspection

#Rencontrer l’inconnu

Cela fait quelques temps que je prévois partir à l’aventure. Alors trêves de réflexion, c’est décidé, je pars pour le Maroc. D’une manière un peu particulière, vous allez voir.

Au départ, je ne pensais pas nécessairement au voyage. Il y a plein de manières différentes de vivre une « aventure » : l’ascension d’un sommet difficile, une expédition en montagne, une expédition en mer, une grande randonnée, un week-end en falaise (pour les grimpeurs), etc. Vous remarquerez mon goût pour les sports de plein air. Mais une aventure peut être tout autre chose : une semaine de vacances en famille, entre potes, travailler un mois sur un bateau de croisière en tant que serveur, partir découvrir un pays, faire un safari dans la savane africaine, participer à des actions humanitaires, lancer une association étudiante, une entreprise, que sais-je encore !

Bref une aventure, c’est une entreprise dont le but est d’échapper à l’ordinaire, de se confronter à l’inconnu ; c’est-à-dire partir à la recherche de situations qui peuvent s’avérer difficiles ou challengeantes, et dont vous n’avez jamais eu à faire face auparavant. Vivre une aventure, c’est risquer d’échouer, c’est oser réussir, c’est se mettre à l’épreuve, continuellement, volontairement ou non.

« La vie s’arrête lorsque la peur de l’inconnu est plus forte que l’élan. »

Hafid Aggoune

Celui qui monte une asso étudiante pour la première fois devra faire face à tout un tas de nouvelles difficultés qu’il n’aura encore jamais rencontrées. Peut-être va-t-il se tromper dans sa manière d’approcher ces difficultés ? Peu importe, il en ressortira plus fort, parce qu’il aura appris. Il en va de même pour celui qui part en montagne, pour celui qui part en mer, pour celui qui fait de l’humanitaire ou pour celui qui voyage. Tous ces gens partent pour apprendre. Certes ce n’est peut-être pas leur but premier. Peut-être n’est-ce pas leur but du tout. Mais quoi qu’il en soit, inévitablement, ils apprendront, ils sortiront grandis de leurs expériences (intellectuellement, mentalement, psychiquement, psychologiquement, émotionnellement, physiquement, enfin bref vous voyez !).

#Envie et besoin

De tous ces genres d’aventures, j’ai choisi le voyage, dans sa forme la plus épurée. Mais avant de rentrer dans les détails, une question se pose. Quelle idée d’aller se mettre dans de telles situations quand on pourrait se contenter du confortagréable du quotidien ? Quelle motivation a-t-on à vivre une aventure ? Je pense qu’il y a deux choses à considérer : l’envie, quand le confortest agréable, et le besoin, quand il ne l’est plus. Qui n’a jamais eu envie de tourner le dos à sa vie quotidienne et plonger dans l’aventure ? Et qui n’a jamais ressenti le besoin de tout plaquer et de vivre autrement, le temps d’une aventure ? Tout le monde, qu’il se l’avoue ou non.

Toutefois je ne vais pas rentrer dans le détail de l’envie versus le besoin. Il y a beaucoup à dire sur ce sujet et cela pourra faire l’objet d’un futur article. Retenez simplement que l’envie ne répond pas à un manque, contrairement au besoin, qui lui témoigne de ce manque et d’un inconfort. En matière d’aventure, la motivation peut être soit l’envie, soit le besoin, ou les deux.

J’ai toujours eu envie de voyager, bien que je n’ai encore jamais eu l’occasion de le faire. J’ai pu profiter d’un bon nombre de semaines de vacances en familles, toujours très intéressantes, agréables et durant lesquelles j’ai beaucoup appris, mais cela ne correspond pas à l’idée que je me fais du voyage. Jusqu’à maintenant, le voyage a toujours été une envie, et ça le restera.

Mais aujourd’hui, si je suis sur le point de partir, c’est certainement plus par besoin et par nécessité. Vous savez, ce ressenti, cette chose qui appelle, qui te dit que ce que tu vis actuellement ne te remplit pas, ne te rend pas heureux, ne fait pas sens pour toi. C’est le manque de nouveau, le manque d’inconnu, le manque de bonheur et de cohérence entre les valeurs et les actes qui appellent, et qui dit, « Ecoute, change d’environnement, fais face aux difficultés, affronte les dangers et utilise la force que l’adversité te procurera comme un effet de levier pour te propulserencore plus loin par la suite. Si tu ne le fais pas, tu stagneras, les choses n’avanceront pas et ton état empirera. »

#Explorer et se perdre pour se dépasser, découvrir et se connaître

C’est donc un besoin de changement, un besoin de découverte, du monde, des gens et de moi-même, qui me pousse à partir. Quelles découvertes ? Quelles explorations ? Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de parler de la destination en elle-même. Ce n’est pas le but premier de ce voyage. Outre la découverte des paysages extraordinaires que le Maroc a à offrir, c’est la culture qui m’attire le plus, la rencontre, la confrontation aux gens, à la société. La découverte du partage et de l’hospitalité dont est encore capable ce monde d’apparence individualiste et capitalisé.

Cette confrontation commencera dès l’instant de mon départ. En effet, j’ai choisi de partir sans argent (hormis le nécessaire pour les frais administratifs, tels que la téléphonie pour garder contact avec ceux qui s’inquiètent). Sans argent, le seul moyen de transport dont je dispose pour rejoindre le Maroc, c’est le stop. A commencer par l’auto-stop pour la France, l’Espagne, puis pour mes déplacements au Maroc et le bateau stop lorsqu’il s’agira de traverser la Méditerranée.

L’hébergement sera au gîte chez l’habitant. La nourriture dépendra de l’hospitalité de mes hôtes et du partage dont feront preuve les commerçants. Le monde nous dit que 1,3 milliard de tonnes de nourriture est gaspillé chaque année ; de quoi nourrir deux ou trois estomacs affamés, en somme.

Dans tous les cas, le partage se veut réciproque. L’argent est-il le meilleur moyen de remercier et d’éprouver sa gratitude ? Je ne pense pas. Ne serait-ce pas même le pire ? Si je peux rendre la pareille à tous mes bienfaiteurs, par un service, une aide, un troc ou ne serait-ce qu’un échange convivial, j’en serais le premier heureux.

#Objectifs

Ce voyage, je l’espère, me permettra donc de me recentrer sur l’importance des besoins élémentaires, à commencer par le sommeil et la nourriture, puis l’échange, sans lequel rien n’est possible. Il me permettra, je l’espère, d’apprendre énormément sur les relations d’Homme à Homme, sur le respect mutuel, l’hospitalité, la confiance et comment la gagner. Toquer à la porte des gens et demander si l’on peut dormir chez eux le temps d’une nuit ne suffit pas, surtout si l’on tombe sur des personnes très à cheval sur leurs principes. Il va falloir apprendre à slalomer entre les peurs et les angoisses, pour rassurer et prouver à ceux qui le pense, que le monde n’est pas fait que de malfaiteurs prêts à brandir leur couteau pour faire le mal, mais qu’au contraire, il est rempli de gens bons, prêts à aider leurs semblables, parce qu’au fond, nos besoins à tous sont identiques.

L’hospitalité des hôtes dépend de soi et c’est en donnant qu’on reçoit. Mais on a beau connaître ce principe, sa mise en pratique reste toujours difficile. L’enthousiasme est important à tout point de vue. Ce voyage, je l’espère, m’apprendra à le garder constamment, même lorsque les situations n’y seront pas favorables.

Aussi ce voyage me permettra, je l’espère, de prouver au monde et à moi-même que l’argent, sans pour autant être un mal absolu, terni considérablement le rapport humain. Je le ressens même à ma modeste échelle. L’argent ternit mes rapports aux gens. C’est un intermédiaire sans lequel tout devient plus vrai et spontané.

Les rencontres que je m’apprête à faire n’engagent à rien car elles seront éphémères. Faire du stop, c’est saisir l’opportunité de découvrir la vie des gens le temps d’un trajet. De leur poser des questions sur leur vision du monde, du bonheur, de savoir si eux-mêmes sont heureux, ou pourquoi ne le sont-ils pas et comment s’y prennent-ils pour espérer l’être. Parce que la rencontre est éphémère et n’engage à rien, il est beaucoup plus facile de se confier, autant pour l’auto-stoppeur que pour le conducteur. La parole devient beaucoup plus libre, plus vraie et plus spontanée, parce qu’aucune pression ne s’exerce. Parler de la même manière à une personne que l’on côtoie régulièrement est impossible ou cela demande une dose de courage (masochisme ?) trop importante.

Et il en va de même pour l’hébergement chez l’habitant. Sauf que cette fois-ci, l’opportunité s’étend à la découverte d’une vie de famille, d’une colocation d’étudiants, d’un passionné de sculptures sur bois, d’un squat de musiciens, d’un couvent ou d’un monastère religieux, etc. Qui sait ce que l’on peut découvrir et quel nouvel univers va s’ouvrir à nous !

Ceux qui seront là pour vous aider, seront d’un naturel ouvert et tolérant. Autrement dit, vous ne risquez pas de passer du temps avec des personnes individualistes et fermés à l’échange, parce qu’elles vous refuseront l’hospitalité. La sélection s’opère d’elle-même.

#Voyage au Maroc

C’est donc ainsi que je me retrouve sur le départ pour le Maroc. Un mois et demi de voyage et d’inconnu qui se profile. Se retrouver face à cet inconnu a un côté très plaisant et libérateur. Je ne sais pas si je vais arriver à destination dans les temps prévus, je ne sais pas où je dormirai ce soir, je ne sais pas où j’en serai demain, je ne sais si je pourrai manger à ma faim, je ne sais pas qui je vais bien pouvoir rencontrer. Mais malgré tout ça, j’ai confiance. Et cette confiance est un trésor. Parce qu’elle me dit que quoi qu’il arrive, ce sera une victoire.

Le but de cette aventure n’est pas d’être facile, bien au contraire. Je compte me pousser dans mes retranchements. Physiquement, mentalement et psychologiquement. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir découvrir, sur moi, sur le monde, sur les autres, mais une chose est certaine : je vais apprendre, grandir et découvrir. Et ça c’est une victoire.

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