« J’ai toujours envié les gens qui dorment facilement. Leur esprit doit être plus clair, le plancher de leur crâne bien balayé, tous les petits monstres enfermés dans la malle au pied du lit. »
David Benioff, dans La ville des voleurs
Il y a quelques jours, je partageais avec vous 5 astuces pour bien dormir. L’article se concentrait uniquement sur les techniques qui permettent d’améliorer votre sommeil. Il est temps d’en savoir plus sur les bienfaits d’un bon sommeil, et bien sûr, sur les conséquences d’un mauvais.
Le sommeil est bénéfique pour bien des choses ! Nous en verrons quelques-unes, mais ne perdons pas de vue notre objectif principal : l’apprentissage. C’est notre capacité à apprendre et à retenir, qui nous importe le plus, et il se trouve que le sommeil joue un grand rôle dans ce domaine. Et pourtant je ne me doute pas que beaucoup d’étudiants fêtards ignorent complètement cet aspect de l’apprentissage. Loin de moi l’idée de vous demander de vous couper de toutes interactions sociales, mais vous verrez que de temps en temps, il faut savoir faire quelques concessions. Je ne jette pas la pierre sur les étudiants. Je suis d’ailleurs mal placé pour le faire. Bien au-delà des campus et des lycées, nous sommes tous très nombreux à sous-estimer l’importance de dormir suffisamment longtemps chaque nuit.
Nous nous rendons rarement compte de la diminution réelle de nos performances lorsque nous sommes en déficit de sommeil.
Pour bien insister sur ce point et sur la nécessité de bien dormir, je me suis dit que quelques bonnes études valaient bien mieux que mille explications. Accrochez-vous ! Cet article se veut très riche en références scientifiques. Voyons immédiatement.
Les conséquences du manque de sommeil
Basons-nous sur une première étude : Patterns of performance degradation and restoration during sleep restriction and subsequent recovery : a sleep dose-response study. Si vous n’y comprenez pas grand-chose, ce n’est pas grave. Je vous ai concocté un petit résumé bien plus digeste !
Quatre groupes de personnes ont été formés. Des personnes normales, comme vous et moi. Leurs instructions sont simples : dormir toujours le même nombre d’heures chaque nuit pendant 7 jours, respectivement 3, 5, 7 et 9 heures.
Des chercheurs sont présents pour mesurer régulièrement leurs performances en matière de vitesse pour résoudre des tâches psychomotrices, et en terme de temps de réaction.
Les résultats ne vous surprendront certainement pas, mais ils sont tout de même très évocateurs !
- Les personnes ne dormant que 3 heures par nuit voient leurs performances diminuer continuellement jours après jours.
- Les personnes dormant 5 heures par nuit témoignent également d’une baisse de performance. Toutefois cette baisse se stabilise au bout de quelques jours, mais bien sûr à un niveau bien inférieur à celui avec lequel elles avaient commencé l’expérience.
- Les personnes dormant 7 heures par nuit ont vu leur vitesse de résolution des tâches diminuer dans un premier temps puis se stabiliser. Toutefois leurs temps de réaction n’ont subi aucune modification.
- Et les personnes dormant 9 heures par nuit n’ont témoigné d’aucune diminution de performance.
Après trois jours de récupération à raison de huit heures de sommeil par nuit, une nouvelle analyse a été faite.
- Les personnes ayant dormi 3 heures ont récupéré à un niveau de performance similaire au groupe ayant dormi 5 heures.
- Les personnes ayant dormi 5 et 7 heures n’ont pas récupéré et sont restées avec des performances fortement diminuées.
- Les personnes ayant dormi 9 heures sont naturellement restées à leur niveau de performance élevé habituel.
Les résultats sont particulièrement édifiants et parlent d’eux-même. Au final nous apprenons que notre cerveau peut éventuellement s’habituer à un manque de sommeil seulement si le nombre d’heures de sommeil par nuit ne descend pas en dessous d’un certain seuil, et bien sûr au prix d’une dégradation importante de nos performances. Et le plus édifiant est de se rendre compte que trois nuits de sommeil de récupération ne suffisent pas à récupérer le déficit de sommeil.
Je me suis moi-même dit pendant longtemps que le week-end me permettrait de récupérer mes mauvaises nuits de la semaine, ou que je dormirai plus le lendemain pour récupérer d’une soirée de la veille. Mais malheureusement ce n’est pas comme ça que ça marche, une nuit trop courte ne se récupère pas aussi facilement et altère grandement nos capacités.
Cette étude se base sur 9 heures pour la meilleure performance. Mais ceci ne veut pas dire que vous êtes obligé de dormir 9 heures par nuit. Une autre étude a été menée et a démontré que dormir 8 heures par nuit permettait généralement d’augmenter significativement les performances. Selon la même étude, dormir 6 heures par nuit pendant 14 jours d’affilée revient à faire une nuit blanche (et 2 nuits blanches d’affilée pour 4 heures par nuit).
Une autre encore a démontré que faire une nuit blanche est équivalent, en terme de performances mentales, à avoir 1 gramme d’alcool par litre de sang. En gros, dormez 6 heures par nuit pendant 14 jours et attendez-vous à devoir conduire bourré toute la journée (seulement sur vos performances mentales, on est bien d’accord).
Si vous souhaitez aller encore plus loin, vous pouvez vous renseigner sur cette dernière étude que j’ai à vous proposer : The Effects of Sleep Deprivation on Performance During Continuous Combat Operations.
Celle-ci porte sur les performances de plusieurs groupes de militaires durant une opération étalée dans le temps. Étant donné que nous avons déjà bien vu le cœur du problème, je ne vais vous présenter que le graphique suivant, il fait une bonne synthèse de tout ce que nous venons de voir.

Le principe de ces études est très simple, et pourtant il démontre parfaitement bien que les conséquences du manque de sommeil peuvent être énormes sur les performances et capacités cognitives (mémoire, apprentissage), de réflexes , coordination, et bien d’autres. Et pourtant nous nous leurrons inconsciemment. La deuxième étude que je vous ai présentée montre que les personnes dormant 6 et 4 heures par nuit ont systématiquement sous-estimé l’impact de leur manque de sommeil sur leurs performances. Nous avons souvent l’impression de gérer une situation alors qu’il n’en est rien.
Si même les militaires font attention à leur sommeil pour être plus performant, alors pourquoi pas nous ?
Résumons les conséquences du manque de sommeil :
- Diminution de la concentration
- Diminution de la consolidation de la mémoire, moins de mémoire quoi …
- Capacités d’apprentissage diminuées
- Augmentation du stress
- Troubles de l’humeur, augmentation de l’émotivité
- Baisse de moral
- Déséquilibre alimentaire, augmentation de l’appétit
- Développement potentiel de maladies à caractère psychosomatique (asthme, allergies, mal de dos, migraines, etc.)
- Diminution de l’immunité
- Risque d’AVC plus accru
- Et j’en passe et des meilleurs !
Francesco Cappuccio, responsable d’une étude menée à la Warwick Medical School, nous dit que « la tendance moderne de se coucher tard et de se lever très tôt n’est rien de moins qu’une bombe à retardement pour votre santé. Il est impératif d’agir rapidement afin de réduire vos risques en ce qui concerne ces maladies très graves. »
Pourquoi bien dormir ?
Maintenant que vous connaissez toutes les conséquences d’un mauvais sommeil, vous vous dites qu’il est indispensable de bien dormir. Ceci vous permettra d’éviter toutes les complications de santé dues au manque de sommeil, mais surtout, ceci vous permettra d’être plus performant dans votre apprentissage, votre mémorisation et votre productivité.
Définissez une fois de plus vos objectifs, et demandez-vous ce qu’il faut que vous fassiez pour les atteindre. Bien dormir est-elle une de ces actions et habitudes à mettre en place ? Certainement.
Lorsque nous sommes éveillés, le cerveau accumule des toxines créées par les processus mentaux et il est nécessaire de dormir pour que le cerveau élimine ces toxines grâce à des processus de « nettoyage » qu’il n’est pas capable de mettre en place durant l’éveil.
Le cerveau travaille la nuit et lorsque nous nous reposons. Bien dormir permet de mettre à profit cet aspect. Un texte appris avant de se coucher sera plus aisément retenu qu’un texte appris le matin. Faites-en l’expérience pour vous en convaincre. Apprenez du vocabulaire d’anglais le soir avant de vous coucher par exemple, puis apprenez en aussi le matin en vous levant et analysez vos performances de mémorisation dans les deux cas. Vous verrez rapidement quelle est la meilleure solution.
Le sommeil ancre la mémoire. Il permet au cerveau de faire des connexions qu’il n’est pas capable de faire lorsque les processus très consommateurs d’énergie de l’éveil sont en marche. Il fixe les données et informations qu’il retient et accumule tout au long de la journée. Il retient plus facilement celles qui lui sont les plus récentes. Il est donc intéressant de relire un cours avant de se coucher par exemple.
Au final, si vous avez bien une chose à retenir, c’est que ne pas dormir pour apprendre plus est totalement CONTRE-PRODUCTIF. L’effet récolté est contraire à celui que vous recherchez. Vous allez diminuer significativement vos performances d’apprentissage.
Conclusion
Un mauvais sommeil est mauvais pour l’apprentissage. Un bon sommeil est bon et permet d’améliorer ses performances. Voilà à peu près tout ce qu’il faut retenir.
D’après les études que je vous présente dans l’article, le nombre d’heures de sommeil idéal est de plus ou moins 8 heures. Dites-vous que la majorité de la population a besoin de dormir 8 heures par nuit pour être au top de son potentiel de performances. Toutefois une minorité de la population peut se contenter de seulement 5 heures de sommeil sans que ceci affecte leurs performances et au contraire, une autre minorité aura besoin d’un minimum de 9 ou 10 heures pour garder la forme. Autrement dit, si vous pensez que vous avez besoin de plus ou de moins de 8 heures de sommeil pour être au top, il est fort probable que vous vous trompiez lourdement. Toutefois il se peut vous fassiez partie des heureux gagnants, ou malheureux perdants, de la loterie génétique du sommeil. Dans ce cas ne loupez pas le prochain article que je ferai sur le sommeil, et dans lequel je détaillerai comment il est possible de mesurer le temps de sommeil dont nous avons réellement besoin.
Maintenant, il est nécessaire de connaître des méthodes qui vous permettent de mieux dormir. Il en existe plusieurs. J’en ai réuni quelques unes dans cet article, que j’utilise personnellement. Comme bien d’autres méthodes, il vous appartient de les mettre en place immédiatement, et si vous doutez de celles-ci, agissez en bon sceptique, et testez-les pour vous en faire une idée.
Sur ce, bonne journée et surtout, bonne nuit à tous :)